Les temples gallo-romains (Fanums)

Pour ceux qui ont déjà lu la page sur le Fanum d’Orival vous pouvez faire un saut de puce vers la ⇒ pour éviter les « redites ».

Les Fanums (pour les experts en latin le pluriel est Fana , mais pour des raisons de simplification, j’emploierai le terme de Fanums) sont des lieux de culte gallo- romains datés entre approximativement -300 et + 400 ans . Mais il est fort possible qu’il y ait eu des lieux de cultes celtiques (gaulois), plus anciens au même endroit . Une fouille à St Martin de Boscherville a déjà confirmé cette hypothèse.

Avant, ces lieux pouvaient avoir une utilité particulière : un point d’observation ( leur positionnement est souvent sur un point haut) ou un lieu de passage important (ils sont assez souvent proches d’un point d’eau ) et certains pas très éloignés de route principale .

Fanum corriger 1Ci-dessus une reconstitution qui permet de se donner une idée de ce qu’était un fanum.

Le fanum est souvent de forme à double carrés concentriques :

Le carré intérieur est le lieu consacré au Dieu vénéré. Il est réservé aux initiés ou aux « prêtres de l’époque ». Il s’appelle la cella.

Autour il y avait une galerie ou portique avec des colonnes . Il servait de déambulatoire aux fidèles .

L’édifice était parfois entouré d’un talus délimitant la présence du temple appelé le Péribole.

Fanum et legendes

Vu leur position souvent élevée, les premiers fouilleurs historiens, à la fin du 19° siècle, pensaient que ces édifices étaient des tours d’observation avec une possibilité d’envoyer des signaux par des torches enflammées comme l’évoque le dessin ci-dessous.

Tours d observationr

Henri St Denis en 1910

Dès le début du 20° siècle un érudit local, Léon de Vesly, a décidé de faire des fouilles dans la forêt de la Londe Rouvray . Il a trouvé plusieurs vestiges de ce type avec autour des monnaies , mais aussi des exvotos qui lui ont permis de déduire que ces anciennes constructions étaient des lieux de culte de la période gallo-romaine. Ce serait lui qui leur donna le nom de Fanum .

Voici sur la carte ci-dessous des fanums découverts par Léon de Vesly au début des années 1900 dont il reste parfois encore quelques vestiges visibles.

Carte des fanums r

       1 : Le Fanum du site de la mare du puits. GPS : 49.35765N/1.05563E

       2 : Le Fanum des Essarts. GPS : 49.3463894N/ 1.0163035E

       : Le Fanum du Grésil. GPS : 49.3361655N/ 0.998548E

       : Le Fanum d’ Orival. GPS : 49.3203659N/ 0.9991000E

       : Le Fanum du site du vivier Camelin. GPS 49.32728N/ 0.94477E

       : Le Fanum de St Ouen de Thouberville. GPS 49.33952N/ 0.911480E

       : Vestige près de la ferme St Nicolas.

Le plus connu est sûrement celui de l’oppidum d’Orival (repère 4 sur la carte) car il est indiqué sur le parcours du même nom.

  Vers fanum r  Drone fanum orival r 1

 

Pour plus de détails je vous renvoie à la page déjà écrite sur le sujet : Fanum d'Orival

LE FANUM DE ST OUEN DE THOUBERVILLE :

Par contre le mieux conservé est celui de ST Ouen de Thouberville (repère 6 sur la carte)  . Les murs ont été protégés par une couche de ciment ce qui permet de voir encore actuellement quelques vestiges.

Fanum st ouen r

Ce site a été fouillé dès 1896 par des propriétaires voisins qui l’ont photographié.

Fanum ancienr

Fanum de ST Ouen de Thouberville en 1896

Les historiens locaux : Leon de Vesly et Louis Deglatigny ont repris vers les années 1920 les résultats des premières fouilles et en ont tirés des plans.

  Plan fanumr  Plan deglatigny r

Le mur de la galerie fait environ 12m de côté  et celui de la cella 6 m. Deglatigny a ajouté les deux petites constructions se trouvant sur les cotés . On peut encore deviné celui côté gauche . Mais les restes sont moins visibles que le cœur du temple.

Ce Fanum comme d’autres dans la forêt de la Londe Rouvray se trouve à côté d’une mare artificielle.

L’entrée du  temple présente un large péron de plusieurs marches avec la base de deux colonnes.

Lors des fouilles , le dessus d’un trépied en calcaire a été trouvé (tabouret ou support d’objet ou de statue ?) juste après l’entrée au milieu de la galerie.

Socle tabouret r

Les premiers fouilleurs ont aussi trouvé des morceaux d’enduit peint qui décoraient les murs de la Cella . Ils en ont fait des dessins aquarellés.

  Decor 1 r  Decor3 r

Il a été trouvé plusieurs autres objets dont la plupart a été donnée au musée des antiquités de Rouen.

Certains sont presque communs à toutes les découvertes : des morceaux de tuiles , de verre, des clous, des morceaux de vases.

Il y avait aussi des objets plus spécifiques aux lieux de cultes : fragments de haches polies en silex et dents de sanglier qui sont considérés comme des offrandes. Des morceaux de statues de Vénus qui étaient généralement volontairement brisés en trois morceaux.

Important pour la datation 220 monnaies ont été trouvées dont 53 étaient de la période du règne de Constatin I (il règne entre l’an +306 et +337 de notre ère).

Quelques objets métalliques ont été trouvés : bracelets, couteau, clefs …

Mais les plus étranges sont des plaques en bronze gravées d’environ 6 cms de long. Elles représentent soit des yeux soit des seins et sont assimilées à des ex votos. Sur certains un trou pour l’accrochage fait supposé qu’ils étaient fixés au mur. Certains historiens pensent qu’il y avait déjà à l’époque gauloise des cultes à des divinités guérisseuses. Ces plaques peuvent en faire partie.

Objetr

Un morceau de statue représentant un torse de femme avec un enfant était aussi présent.

D’après les fouilles le fanum aurait été brulé et se serait effondré sur lui-même vers les années +380 ce qui correspond au début des invasions barbares dans la future Normandie.

Il reste la présence de trous dans les murs au même niveau du sol et présents aussi dans les murs opposés…Ce sont à priori des trous de l’échaffaudage qui a permis de construire le fanum en élévation. Une fois les murs terminés les constructeurs sciaient les morceaux d’échaffaudage et cachaient ces restes avec l’enduit du mur. Le bois a pourri et il reste les trous comme vestige…

Trou echaffaudage

 

 

 LE FANUM DES ESSARTS :

Proche de la RN 138 entre le château d’eau et la sortie vers Elbeuf il y a des ruines d’un petit temple (repère 2 sur la carte) .

Ce fanum a aussi été fouillé par Léon de Vesly vers 1902 qui en a établi un plan.

    Fanum des essarts 2r   Fanum des essartsr 

La principale trouvaille est un dépôt de 85 hachettes de pierre taillée . Certaines d’après la nature de la roche viennent de Bretagne et même de Suisse. Ces hachettes avaient toutes été utilisées et servaient près de ce temple d’offrande ou d’ex-voto.

Pour les objets métalliques ,outre la poignée et les ferrures de la porte , il a été découvert des fibules (attaches de vêtement), des fragments de miroir et de collier.

Pour les monnaies il a été trouvé 32 pièces allant du règne de Hadrien (+117 à +138) à celui de Constantin II (+337 à +340).

Un fragment de poterie avec un nom de fabrique ABPVCIANI a permis d’établir sa provenance de Vienne en Isère.

La construction de la RN138 a presque totalement détruit ce temple. On ne retrouve actuellement que quelques fragments de pierres calcaires du soubassement.

  Pierre 1 essart r  Pierres 2 essart r

Et aussi quelques restes de tuile et de céramique.

Restes de tuiles essarts r

 

 

LE FANUM DU GRESIL :

Léon de Vesly découvre aussi  en 1902 une structure murée d’environ 5m sur 6m.

Plan fouille du gresil 1902r

Il y découvre des traces d’hypocauste (ancien systéme de chauffage). Il y avait proche des murs une sorte de puits et un fragment de meule en poudingue. Plusieurs sépultures sont découvertes autour de la piéce. Il interprète ces découvertes comme des restes d’une villa gallo romaine.

En 1971 Charles Schneider un amateur d’archéologie reconnu est missioné pour fouiller le site car il va être en parti traversé par une nouvelle modification de route du circuit automobile des Essarts. Il y trouve deux nouvelles sépultures.

Il fouille des parties de ce qu’il interpréte comme une cella avec son péron et le site est entouré par une surélévation de 65 m de côté qui serait le péribole. Il trouve quelques monnaies dont la plus récente est à l’effigie de Tétricus (régne de +271 à +274). Ces conclusions sont que le site est un ancien Fanum.

Peribole fanum du gresil r

Reste du talus du péribole.

En 2012 Jérome Spiesser prospecte autour de la villa du Grésil et retrouve bien les  fouilles de 1971.

Position fanum du gresilr

Position du fanum du grésil par les relevés Lidar.

Il y voit des restes de la Cella et le seuil du site reconnaissable par les traces d’usure dues au passage.

  Reste mur fanum du gresil r  Pierre fanum du gresilr

Restes des fouilles de la cella du fanum du Grésil

Il confirme bien l’interprétation de 1971 qui détermine un fanum. Mais il est fort possible qu’une villa abandonnée est été ensuite transformée en fanum. Il existe en France d’autres exemples de réutilisation de même type, à cette période.

Comme plusieurs autres ce fanum se trouve proche d’une mare.

Mare du gresil r

 

 

Concernant le Fanum du site de la Mare du Puits (repére 1 sur la carte) je vous renvoie à la page déjà écrite sur ce site : Le site de la Mare du Puits

 

Il reste encore quelques vestiges du Fanum sur le site du vivier Camelin (repére 5 sur la carte).

Peron fanum camelin r

 

Mais ce site présente plusieurs particularités qui sont détaillées dans une page dédiée voir ce lien (Site du Vivier Camelin) .

 

 

D’après les archives les vestiges du fanum près de la ferme St Nicolas (repére 7 sur la carte) se trouvent sûrement sur un terrain privé. Pour l’instant j’ai bien retrouvé une sorte d’enclos coupé par la route plus loin , mais pas de trace de Fanum près de cette ferme..à suivre…

 

La présence de tous ces temples gallo-romains est une des preuves qu’à cette époque les lieux étaient beaucoup plus habités et exploités au niveau agricole .

La ville de Rouen était la 2° plus grosse ville de la Gaule Lyonnaise et il y avait donc beaucoup d’échanges commerciaux avec les autres contrées.

Ensuite les invasions barbares de la fin du IV° siécle ont fait que la population a fuit vers les défenses des villes et abandonné le culte dans ces fanums. La forêt a repris ces droits jusqu’au XI° siécle.

 

 

BIBLIOGRAPHIE :

Livre les FANA ou petits temples gallo romains de la région Normandie de Léon de Vesly .

Bulletin de la société historique d’Elbeuf N°58.

Bulletin archéologique du comité des travaux historiques et scientifiques année 1920 Page 217-230.

Notes sur le temple de St Ouen de Thouberville (Bulletin archéologique 1921)Deglatigny

Notice archéologique sur les forêts du Rouvray et de la Londe.

Bulletin de la commission des antiquités de la Seine Maritime 1968-1969 XXVI page 125-126 

          Forêt et patrimoine archéologique

 

Bulletin de la société d’émulation de la Seine Inférieure 1902 Pages 138- 143 et pages 145 à 151.

 

Bulletin de la société normande d’études préhistoriques année 1902 page 140-145.

Bulletin de la commission des antiquités de la Seine Maritime 1902 Page 416-417.

Bulletin archéologique 1903 Page 46-49.

L’homme préhistorique 1903-1928.

Documents et notes archéologiques 1° Fascicule L.Deglatigny.

Notice archéologique sur les forêts du Rouvray et de la Londe.

Bulletin de la commission des antiquités de la Seine maritime 1938-1944 (XX) page 177-178 

Bulletin de la commission des antiquités de la Seine maritime 1968-1969(XXVII) page 124 

De Boüard Michel. Circonscription de Haute et Basse Normandie. In: Gallia, tome 30, fascicule 2, 1972. pp. 333-347;

http://www.persee.fr/doc/galia_0016-4119_1972_num_30_2_2614

J.Spiesser : rapport de sondages programmés sur le site du grésil 2012.

 

 

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