Le Barrage du Rouvray

 

Peu de gens le savent, mais le méandre de la Seine qui a la ville de Rouen à son sommet au Nord, a été barré par un dispositif de talus et fossés entre Grand Couronne et Orival.

Carte 2002 r

Sur cette carte le dispositif a été retrouvé et retracé en pointillé blanc en 2002.

Les dernières études des spécialistes indiquent que ces talus ont la même configuration que ceux qui entourent l’oppidum d’Orival (voir lien: L'oppidum d'Orival) et qu’ils sont certainement de la même époque (environ du 1° siècle avant J.C).

Carte rempart oppidum r

Mais Henri Saint Denis, au début des années 1900, suit les fossés et talus sur le terrain. Il pense que ces constructions ont servi de « passage à bateaux » qu’auraient emprunté en 1418 les navires du roi d’Angleterre Henri V. Il aurait ainsi accosté à Moulineaux et par voie de terre aurait rejoint Orival pour permettre le siège de Rouen aussi en amont du fleuve.

Si ce « passage à bateaux », ou plutôt un transport de marchandises semble avoir existé dès l’époque romaine et pendant les invasions normandes, un autre tracé plus vraisemblable partirait de Grand Couronne et rejoindrait l’ancien port du Gravier à Orival comme l’indique approximativement la carte ci-dessous.

Ancienne carte passage bateau r

Ce tracé est peut-être plus long, mais a l’avantage d’être beaucoup moins accidenté.

Il est aussi avéré dans des écrits du XVIII° siècle qu’il y avait une liaison entre le Port de Couronne et celui d’Orival pour le commerce d’alcool. Ceci permettait d’échapper aux taxes du port de Rouen. Les caves creusées dans la falaise à Orival servaient d’entrepôts avant le réembarquement par bateaux vers Paris.

Vers les années 1980, Charles Schneider, un archéologue amateur étudie ce barrage. Il suit les talus sur plus de 3.5kms de long et les cartographie.

Carte 1986 r

Il en dessine aussi les deux types de profil rencontrés.

Profil talus r

Il confirme que ce dispositif sans être un système de défense très efficace servait très certainement à la surveillance et au retardement d’éventuels ennemis. Pour lui, c’est la suite logique de l’oppidum d’Orival (voir lien: L'oppidum d'Orival). Il évoque aussi la possibilité que ce dispositif primitif eut été amélioré par la présence de nombreux fanums autour. Ils sont très souvent situés sur des promontoires ou points hauts. Il est possible que ces temples aient servi de lieux d’observation et d’alerte. (Voir lien: Les temples gallo-romains).

Il n’y a rien d’étonnant à trouver un barrage sur ce méandre de la Seine. Car un peu en aval, le méandre de Jumièges a aussi été barré au niveau de Yainville par un retranchement appelé le Fossé St Philibert. Ce barrage, qui lui mesure 2.5kms de long, a été longuement fouillé entre 1990 et 1994. L’étude au carbone 14 montre que sa partie la plus ancienne date de 1200 à 920 avant notre ère. Une seconde phase d’aménagement date du V° au II° siècle avant J.C et sa réorganisation jusqu’au Moyen Age est sûrement due à la présence de l’abbaye dans ce méandre.

Pour en revenir au barrage du Rouvray j’ai pu en grande partie le suivre.

Total balise 3r

Il devait commencer au niveau du marais du Grand Aulnay à Grand Couronne constituant un barrage naturel. C’est approximativement le lieu du centre de secours actuel. A ce niveau, les constructions de la ville ont arrasé toutes traces de vestiges.

Les premières traces visibles se trouvent sur le sommet du versant qui monte vers la forêt au niveau de la route forestière du Grésil. (GPS : 49.3382N /0.98426E ).

P0 actuel r

La nature a repris ses droits et on devine à peine les deux talus.

Vers 2015, grâce à un défrichement récent, il était possible de mieux les voir. On distinguait encore sûrement des restes d’une fouille sur le profil d’un des talus.

  P0 double talus au dessus de moulinauxr  P0 coupe 2 talus r

Les deux talus parallèles sont un exemple des profils de type A dessiné par C.Schneider.

Ensuite le passage de l’autoroute a coupé ces talus que l’on retrouve au niveau du déversoir de la retenue d’eau qui la côtoie.

Coupure autoroute r

C’est sous ce déversoir (GPS : 49,33651N/ 0,98543E) que l’on peut voir le mieux les talus formant le barrage et les suivre.

  P1 r  P2 r

Un peu plus loin une piste de VTT qui coupe le talus permet d’estimer sa hauteur à presque 3 mètres à cet endroit. (GPS : 49,3346634N/ 0,9846665E ).

P7 passage chemin r

Un peu plus loin (GPS : 49,3339272/ 0,984426E) en suivant le talus principal ou le fossé perpendiculaire à la pente naturelle du relief, on voit bien le profil de type B décrit plus haut.

P9 modifie

Ce genre de rempart est semblable à ceux autour de l’oppidum d’Orival.

On y voit par endroit, comme sur les remparts de l’oppidum, des amas de silex au sommet du talus.

  Glacis de silex r  Vers p19 glacis de silex r

Cette couche de silex forme une sorte de glacis au talus de terre pour le protéger de l’érosion de la pluie et du vent.

Plus loin, la route D64 coupe ce rempart et on retrouve ensuite sa trace à la faveur d’un talus de chaque côté de la route forestière de Beauval. (GPS : 49,32965N / 0,98039E).

  P22 talus avant route de beauval r  P23 talus apres traversee de la route de beauval r

En allant sur la crête surplombant la D64 au niveau du talus on retrouve un chemin VTT qui suit approximativement le barrage.

Il est un peu plus compliqué de toujours identifier les restes de rempart au-delà de cette route en allant vers le Rond-point du Nouveau Monde. Mais parfois le passage d’un chemin qui coupe le talus ou la présence de fossé est encore bien visible.

Vers p20 r

P30 tranchee r

On peut aussi encore voir (GPS : 49,32366N / 0,98646E) les traces des bombardements qui ont eu lieu sur cet escarpement pendant la fin de la deuxième guerre mondiale. En effet du 26 au 30 Aout 1944 des troupes allemandes étaient postées ici et combattaient les alliés canadiens qui faisaient route vers Rouen pour libérer la ville. Pour plus de détails voir la page dédiée aux vestiges de guerre (voir lien: Vestiges des guerres).

    Trou d explosifr 1  Trou d explosif 2r 1

Ce qui prouve que dès la période antique ce lieu avec son relief escarpé avait été choisi intelligemment pour aider à la défense du méandre de Rouen.

Un futur parcours de balade sera bientôt sur le site sur la page « randos en forêt du Rouvray » pour ceux qui souhaite découvrir ce barrage.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

BULLETIN DE LA COMMISSION DES ANTIQUITES DE LA SEINE INFERIEURE TOME XXXVI (1986-1987) PAGE 181-186 . Archives départementales Grammont RH 11-38.

 "Orival, un siècle 1890-2000" par Michel Gosse

Rapport de fouille villa du grésil Spiesser 2012

Rapports d’opération archéologique de Célia Basset 2014 page 20

Spéléo Drack N°20.

 

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