Vers 1160, un premier pont relie la ville de Rouen à la rive gauche du méandre de la Seine. Ce pont était aussi appelé Mathilde.
Depuis, la ville n’a cessé de s’agrandir vers le Sud surtout depuis 3 siècles. Comme le montre ces deux cartes l’une datant des années 1850 et l’autre actuelle.
Cette urbanisation vers le sud s’est développée sur la zone boisée du Madrillet.
Ce nom déformé viendrait du lieu où on allait chercher les madriers pour la construction de navires au chantier naval de Rouen.
En 1575, Henri III vend une partie du domaine royal de la forêt du Rouvray. Ainsi, en 1610, le fils du premier acquéreur y fait construire des bâtiments pour faire de l’élevage de bovins. C’est en 1834 que Mr Prevel, nouveau propriétaire modifie le domaine et y construit un nouveau château « le Château Blanc » qui se trouve sur la commune de St Etienne du Rouvray et non pas sur Sotteville lés Rouen comme il est indiqué sur cette carte postale.
Les noms du quartier du « Château blanc », « le garage de la ferme », proviennent de cet ancien domaine.
On voit sur cette carte sous le point orange la localisation de ce château qui se situait tout proche du centre AFPA actuel.
Du 19 au 26 Juin 1910 est organisé un grand meeting d’aviation à Rouen. C’est le 9ème de ce type organisé dans le monde alors que l’aviation n’en est encore qu’à ses balbutiements. Pour cela, un terrain de manœuvre militaire est prêté dans le Nord de la forêt du Rouvray. Ce terrain plat et sablonneux est idéal pour le décollage et l’atterrissage.
Des hangars au nom des aviateurs sont montés pour accueillir et préparer leurs monoplans ou biplans.
23 pilotes, dont une femme Elise Deroche appelée baronne de Laroche, sont inscrits pour concourir sur différentes épreuves : prix de la vitesse, de la hauteur, du vol plané, de prise de passagers, de la distance.
Le concours est doté de 200 000 francs (environ 895 410 Euros actuels)
Un des moments forts de cette semaine d’aviation a été réalisé par le pilote Morane : Il est parti de l’aérodrome du Madrillet, a viré autour de la fléche de la cathédrale et est revenu sans dommage se poser sur le terrain du Madrillet. Les cartes postales ci-dessous illustrent ce qui était un exploit à l’époque.
Cette prouesse est très retentissante pour le constructeur de l’avion, Blériot qui accompagne le pilote à son retour.
Plusieurs milliers de spectateurs payants sont venus voir les avions concourir. Pour les plus téméraires, des baptêmes de l’air sont même organisés.
Ils peuvent aussi se restaurer et boire sur place dans des stands construits à cet effet. Même un kiosque à musique accueillait les fanfares locales.
Cette manifestation sonnera les prémices de l’installation de l’aérodrome du Madrillet.
L’association de l’aéroclub rouennais est fondée en mai 1911.
En 1913 un terrain est installé au Bois Cany à Grand Quevilly. Mais cet aérodrome appelé Douthwaite du nom du propriétaire du terrain est vite abandonné. Un autre est installé au château blanc sur les prairies sablonneuses entre la rue d’Elbeuf et la rue du Madrillet à St Etienne du Rouvray.
Après la guerre, les pilotes reviennent sur le champ de manœuvre prêté par l’armée.
La ville de Rouen achète en 1927 des terrains sur Grand Quevilly destinés à la création de l’aérodrome. Mais pour l’aménagement de 2 ou 3 pistes permettant le décollage et l’atterrissage quelle que soit la direction du vent il va falloir rogner sur le terrain de manœuvre militaire qui accepte seulement son utilisation partielle dans un premier temps.
En 1929, deux associations rouennaises se regroupent pour fonder l’aéro- club de Normandie et créent une école de pilotage, de mécanique, et l’organisation de plusieurs meetings. Ce sera l’une des plus actives de France.
Le 05 octobre 1930 l’aérodrome de Rouen-Rouvray (appelé plus communément du Madrillet) est inauguré. L’armée sans céder les terrains, autorise l’utilisation permanente de la piste.
Le 10 juillet 1935 une ligne postale aérienne Paris le Havre exploitée par la compagnie « Air Bleu » fait escale à Rouen.
Des meetings sont régulièrement organisés. Voici quelques photos de celui de juin 1935.
Sur la dernière photo on peut voir la croix gammée allemande sur la queue de l’avion. Le pilote est venu en ami lors de ce meeting et est peut-être revenu pendant la seconde guerre mondiale avec des idées moins pacifiques.
Ce sont après la 2° guerre mondiale que les deux pistes (une de 1200 m et l’autre de 900 m) sont aménagées.
Dès 1962, pour des raisons techniques, de sécurité et de propriété, l’idée d’un aérodrome à Boos est actée au détriment de celui du Madrillet. Boos accueillait déjà une base aérienne militaire depuis 1936.
Pourtant en 1965 une piste est allongée et de nouveaux hangars sont construits dont un pour la réparation et l’entretien des avions.
Mais la non-acquisition des terrains militaires et le survol de la raffinerie de Grand Couronne ou de la ville de Grand Quevilly, fait que l’aérodrome ne pourra pas avoir de piste en dur et se développer pour des vols commerciaux d’avions plus gros.
Le 03 décembre 1968 l’aérodrome du Madrillet ferme et est transféré à Boos. Sa démolition en janvier 1969 laisse la place à la première foire des expositions de Rouen en mai 1969.
On voit sur ces deux photos l’emprise qu’avait cet aérodrome vers la fin des années 1950 et son remplacement par le Parc des expositions et le Zenith de Rouen actuellement.
Aérodrome vers la fin des années 1950
Le remplacement de l’aérodrome par le parc des expositions et le Zénith.
Le seul vestige actuel est une stèle qui se trouve sur l’esplanade entre les terminus des lignes de bus et l’entrée de la verrerie du Parc Expo.
Elle a été installée pour commémorer l’accident mortel de Louis Antier qui était président de l’aéro-club de Normandie de 1929 à 1938. Il s’est tué le 29 mai 1938 lors d’une démonstration d’un vol d’autogyre pendant un meeting.
Suite à plusieurs aménagements routiers dans le secteur, des fouilles archéologiques ont été organisées avant les travaux. Car on sait depuis longtemps que l’avenue des Canadiens actuelle suit approximativement une ancienne voie romaine reliant Rouen à Caudebec les Elbeuf. (Voir cette page pour plus d'information sur ce sujet: Les voies romaines )
Ainsi, en 1961, à proximité du terrain d’aviation du Madrillet a été découvert un ancien établissement rural gallo-romain sur le tracé de la nouvelle voie d’accès au Sud de Rouen. Quelques traces de mur en silex ont été découvertes, noyées dans du mortier et quelques tuiles. Quelques fragments de poterie, un anneau en bronze et une soixantaine de monnaies ont permis une datation des vestiges vers le III° siècle.
En janvier 1962, près du carrefour du Madrillet, en bordure de la route antique et non loin de la villa découverte quelques mois avant, est découvert un vase contenant 4707 monnaies antiques dont voici le contenu.
Comme on peut le voir sur le tableau, le trésor est principalement constitué de monnaies « imitation locale » de peu de valeur qui sont frappées localement. Cette fabrique non officielle de pièces dure de 260 à 280 environ pour suppléer le manque de monnaies officielles dans les régions du nord de la Loire soumises à plusieurs conflits. C’est justement la peur des pillages dus aux invasions des germains ou dus aux nombreuses révoltes en Gaule contre la domination romaine qui pousse la population à enterrer des trésors et fuir vers les grosses villes et leur protection relative.
De 1968 à 1971 cette partie de forêt a subi de nombreux incendies dévastateurs. Un reboisement massif sur 830 hectares a été réalisé, mais cela a modifié complétement la structure de cette forêt. Et pour autre conséquence le feu et les engins forestiers ont très certainement détruit beaucoup de vestiges archéologiques dans la zone.
Malgré cela des nouvelles fouilles sont entreprises fin 2007 sur une zone de 20 hectares que les aménagements de la RN 138 vont couper.
On peut voir sur cette vue aérienne de 2008 des traces rectangulaires des sondages de fouille effectués.
Trois bâtiments de l’époque gallo-romaine sont découverts.
De la céramique, des meules et des éléments ferreux ont été trouvés et font conclure à une utilisation domestique des lieux. Des monnaies très abimées ont quand même permis de dater ces découvertes du II au III° ap J.C.
Les nécessités de notre civilisation ont fortement urbanisé la partie Sud du méandre de Rouen. Des voix semblent s’élever pour arrêter la déforestation de cette zone. Seul le futur indiquera l’avenir de cette partie de la forêt …
BIBLIOGRAPHIE :
Bulletin collection histoire(s) d’agglo N°19 : l’aviation dans l’agglomération rouennaise.
L’aviation à Rouen et l’aéroclub de Normandie du Madrillet 1910 à 1968 de Daniel Noreux.
Les archives départementales de Rouen.
Giard Jean-Baptiste. Adulterina numismata : la trouvaille du Petit-Couronne et le problème du monnayage local en Gaule à la
fin du IIIe siècle. In: École pratique des hautes études. 4e section, Sciences historiques et philologiques. Annuaire 1965-1966. 1965. pp. 461-468;
http://www.persee.fr/doc/ephe_0000-0001_1965_num_1_1_4971
de Boüard Michel. Circonscription de Caen. In: Gallia, tome 20, fascicule 2, 1962. pp. 419-429;
http://www.persee.fr/doc/galia_0016-4119_1962_num_20_2_2368
Laurent Jego INRAP BSR 2007
Google Earth et Géoportail.
Aérodrome de Rouen-Rouvray 1910-1968 - Passion pour l'aviation (passionpourlaviation.fr)
L'Aéro-Bar de l'Aéro-Club de Normandie à Rouen-Rouvray - Passion pour l'aviation (passionpourlaviation.fr)
Un souvenir de la première pilote féminine à Rouen : Monique Caillard, les souvenirs d'une femme pilote - Vidéo Dailymotion
Atlas DGAC – Rouen – Rouvray – ANCIENS AÉRODROMES (anciens-aerodromes.com)
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