Le site de la Mare du Puits

Peu de gens le savent mais un site archéologique se trouve dans l’angle Nord-Ouest de l’école nationale de police (ex 71° régiment du génie) située dans la forêt du Rouvray.

Les vestiges qui ont été trouvés se situent autour de la mare du Puits (GPS : 49.35765 N, 1.05563 E) qui est repérable sur une carte où sur Google Earth. Ils sont donc à côté du stand de tir que l’on peut voir des chemins forestiers extérieurs.

Il y a d’abord le 3 Mai 1899 la découverte d’une cachette monétaire par un bûcheron nommé Boucher .

Le vase déterré contenait 26 kg de monnaies romaines. Certaines de ces monnaies ont pu être identifiées et donc donner des dates.

Les grands Bronzes les plus nombreux (500 à 600 pièces) allaient de Trajan (empereur de 98 à 117) à Maximinus (ce n’est pas une blague son nom complet est Maximin 1° le Thrace qui règna de 235 à 238).

Exemple de grand bronze de Trajan

Des petits Bronzes allaient de Trajan à Salonin (règne de 258 à 260).

La période de la deuxième moitié du III° siècle (sous les règnes de Valérien père et Galien son fils pour les spécialistes (235 à 268 ap J.C)) est une époque très troublée avec plusieurs invasions. Ce qui peut expliquer l’intention de cacher ce  petit trésor.

Des vestiges gallo-romains (tuiles..) trouvés aux alentours par M de la Serre en 1890 montrent bien que le site était occupé à cette époque.

Ensuite Léon de Vesly (personnage déjà évoqué dans des articles précédents) a fouillé le site de 1901 à 1904.

Ci-dessous le plan global des résultats de ces fouilles qui vont être détaillées.

En 1901 il commence à trouver des restes de balnéaires avec des restes de murailles et d’hypocauste (genre de chauffage central de l’époque).

En A le praefurnium c’est la « chaudière » où est alimenté le four et d’où part l’air chaud (C, R et C’) qui passe sous les piles de l’Hypocauste.

En G l’Apodyterium qui était le vestiaire.

Un escalier D allait vers E. C’est là où ont été retrouvées des monnaies et surtout un jeton en bronze avec l’inscription CURATO qui peut être traduite par « soigne-moi , guéris-moi ». Était-ce un jeton d’entrée de ces thermes ?

Le jeton Curato

En F le frigidarium était le bassin froid avec les caniveaux qui se jetaient dans la bétoire.

En H le sudarium qui était une étuve humide, un genre de hammam actuel.

En K le tépidarium qui était le bain tiède avec un réservoir ou une baignoire en L.

Lors de ces fouilles ont été trouvés des restes de tuiles du bâtiment et du four dont certaines étaient perforées. Ont été découverts aussi des restes de céramiques, des épingles et des jetons en os.

Des fragments de disque de verre colorés de 12 cm de diamètre servaient de décoration à l’enduit des salles de bains.

Le plus important pour la datation reste la découverte de monnaies dont certaines ont été identifiées et ont permis de savoir que ce balnéaire a été utilisé au moins jusqu’aux années 350 à 353 ap J.C(monnaie de Magnentius).

En 1902 Léon de Vesly reprend des prospections que M de la Serre avait faite en 1896 sur le Fanum (Fanum = temple voir aussi l’article sur le Fanum d’Orival) .

Les murs étaient en silex cimentés avec des joints lissés au petit fer et les angles de l’édifice étaient formés de pierre de craie. Un revêtement de mortier décoré en rouge (couleur dominante), noir, bleu, vert et jaune les recouvrait.

Certains de ces murs étaient conservés sur une hauteur de 1m 40 pour 0.80m de large à l’époque des fouilles.

L’équipe engagée par de Vesly trouve aussi des restes de poterie, 29 monnaies de bronze, une tige de bronze recouverte d’argent et des éléments de décoration dont des fragments de verre coloré et des enduits décorés.

Des défenses de sangliers, des daguets de cerfs, des coquillages sont sûrement des restes d’objets qui servaient d’offrandes.

Il y a aussi beaucoup de traces de charbons et de cendre qui suppose une destruction par un incendie.

En 1903 les fouilles se poursuivent pour prospecter entre le Fanum et la Mare.

Ils ont entre autres fouillé l’enceinte du péribole du Fanum. C’est ce qui servait d’enclos au temple. Ils ont ainsi découvert que le Fanum n’était pas placé au centre de l’enceinte.

Fouille en 1903 du site de la mare du Puits

Il trouve proche de la mare une salle avec hypocauste (chauffage). Des morceaux de moellons et des morceaux d’enduit coloré en rouge ont été récupérés autour. L’usage de cette pièce n’a pas été déterminée (habitation du célébrant du temple ?)

Il reste des fragments de colonnes et d’un bas-relief en pierre représentant des personnages drapés non identifiables.

En B il trouve un vase appelé Olla gauloise qui a servi de sépulture à une incinération.

Exemple de Olla gauloise trouvées à Moulineaux.

En A il a été découvert 20 hachettes en pierre polie datant du néolithique (préhistoire) dont 3 en jade et 22 fossiles d’oursins. Cela peut paraître étrange comme découverte mais les haches polies n’étaient pas toutes des outils usuels certaines taillées et finement polies étaient des objets d’apparat ou votifs qui étaient un signe d’un rang social élevé. Plusieurs de ces haches ont déjà été trouvées dans des sépultures. Il est probable que les Celtes ont continué à s’en servir comme offrandes.

Exemples de haches votives

Pour les fossiles d’oursins, une légende celtes (l’ovum anginum) (Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Œuf_de_serpent) indique que les fossiles d’oursin étaient supposés être des œufs de serpents . Ces oursins étaient considérés comme magiques ou comme de puissants talismans ce qui explique sûrement leur présence près du Fanum. Ce type d’ offrandes a déjà été rencontré près d’autres fanums (comme celui des Essarts).

Le dépôt de hachettes et de fossiles d’oursins, l’urne à incinération gauloise trouvée plus profondément et une monnaie gauloise peuvent indiquer que l’endroit était un lieu de culte bien avant l’époque romaine.

Un puits bouché repère I à proximité de la mare a donné le nom du site « Mare du Puits » . Juste à côté il y avait un bassin repéré H sûrement lié à l’utilisation de ce puits.

Un dépôt de 280 médailles et monnaies repére K datant de la gaule indépendante (avant -52 av J.C date de reddition de Vercingétorix) jusqu’à l’empereur Maxime (règne de 383 à 388 ap J.C) donnent des dates possibles d’occupation.

Une balance romaine avec peson et règle graduée (Statera) a été trouvée .

Ainsi qu’un couteau à lame très effilée (culter) qui devait servir à sacrifier les offrandes animales.

Un fragment de vase en bronze sans anse qui servait à contenir les objets du culte appelé praefericulum.

Un petit phallus de 16 mm (pas besoin de photo…)

Des débris de vase en terre rouge typique de l’époque gallo-romaine et des débris de statues de Vénus volontairement cassées confirment l’époque.

En 1904 les fouilles se sont surtout concentrées sur le « péribole » (mur d’enceinte autour du Fanum) et de ses alentours.

Au Nord a été trouvé un petit caveau (L : 1.80m, l : 1.40m , H : 2m) avec à coté des restes présumés d’habitations.

Le petit caveau a cinq marches d’accès et un soupirail pour faire entrer la lumière. Sa construction n’est pas très soignée . Une niche est présente sur le mur Ouest.

L’hypothèse  que ce caveau soit un cellier dépendant de la villa a été évoqué . Ce qui est fort possible car une fouille récente sur la villa du Grésil un peu plus loin a permis de trouver une même structure. On peut voir aussi ce même type de caveau aux fouilles d' Alésia.

Beaucoup d’ossements de bœufs, de chevaux et de sanglier remplissaient le caveau . Mais ces découvertes proviennent du fait du remblais de la cavité par les terrains alentours au moment de travaux forestiers.

Les habitations prés du caveau avaient des soubassements en grosses pierres brutes . Certaines avaient des tuiles pour protéger les angles (entrée de porte  d’habitation ?)

Les murs devaient être en torchis , supposition qui a été émise par la forte concentration d’argile autour qui n’est pas présente naturellement sur ce lieu.

Les toitures en matière végétale (Chaume ?) n’ont bien sûr rien laissé.

Ces dernières fouilles autour du caveau et des alentours ont permis de trouver : un vase en terre noire, des débris de tuiles et de poterie rouge et des éclats de meule.

Pour le fer une spatule, une clé et des charnières.

Quatre épingles en os et une en ivoire, un plateau et un bracelet d’enfant en bronze, 45 monnaies et quelques pièces de verre font partie de l’inventaire des objets trouvés.

Des scories de fusion de verre évoque qu’un incendie a détruit cette partie du site.

Il a été trouvé entre autre près de 280 monnaies. L’inventaire commence par une médaille gauloise des Véliocasses (peuple celte habitant la région avant l’arrivée des romains) jusqu’à Maxime (383-388 ap J.C) . Ce qui montre que le site a été au moins occupé pendant quatre siècles .

La culture gallo-romaine est très présente dans le type d’architecture et le style des objets retrouvés.

Ce site pourrait être une villa placée stratégiquement sur un des points le plus élevé du plateau des Essarts et à proximité de la voie romaine reliant Rouen à Caudebec les Elbeuf.

Et d’après Léon de Vesly la présence sur le site d’un balnéaire, d’un Fanum et de nombreuses constructions rustiques alentours peut indiquer les prémices de la ville de Oissel ( l’Oscellus du IX° sciécle).

Plusieurs traces de cendre, de charbons de bois, de scories de verre  peuvent évoquer la fin de l’occupation du site suite à un incendie .

Il faut espérer que l’installation de l’ancien Quartier Faidherbe et de l’école de police actuelle n’a pas détérioré des restes possibles qui pourront peut être mis à jour et étudiés avec les outils et les méthodes de l’archéologie moderne.

Au musée de la Fabrique des savoirs à Elbeuf se trouvent exposés quelques objets découverts lors de fouilles.

Plusieurs tessons de poterie

Un peson de tisserand

Sans aucun rapport avec le site évoqué plus haut, à quelques centaines de mètres au Nord du site (à l’extérieur de l’école de Police) (GPS : 49.35926 N, 1.05360 E)  se trouvent d’autres curiosités . Des trous qui ne sont dus ni à des fouilles ni à des explosions pendant la seconde guerre mondiale , mais à l’extraction de sable. Ils se sont depuis remplis d’eau  pour la plupart.

Le site de la Mare du Puits a été fouillé par :

M de la Serre vers 1890

Léon de Vesly vers 1901-1904

Archives et bibliographie :

Bulletin de la commission des antiquités de la Seine Maritime 1900 Pages 498-501 

Bulletin de la commission des antiquités de la Seine Maritime 1901 Pages 298- 303 : 

Bulletin de la société libre d’émulation de la Seine Inférieure 1902 Pages 151- 155

Bulletin archéologique du comité des travaux historiques et scientifiques année 1902  pages 691-696

Bulletin de la société libre d’émulation du commerce et de l’industrie exercice 1903 Pages 113-115,122-135.

Bulletin archéologique 1903 CXXVII. 

Bulletin archéologique 1903 Pages 54-57.

Bulletin de la commission des antiquités de la Seine Maritime  1903 Pages 85-88 : 

Bulletin archéologique du comité des travaux historiques et scientifiques 1904 pages 69-78  

Bulletin de la commission des antiquités de la Seine Maritime  1904 Pages 192-193 :

Bulletin de la commission des antiquités de la Seine Maritime  1904 Pages 258- 261 : 

Bulletin de la société libre d’émulation du commerce et d’industrie exercice 1904 pages 257-276 

Cachette monétaire : Bulletin de la société libre d’émulation du commerce et d’industrie exercice 1904 pages 244-247

Bulletin archéologique du comité des travaux historiques et scientifiques 1905 pages 5-15

Livre les FANA ou petits temples gallo romains de la région Normandie de Léon de Vesly pages 92-113

Notice archéologique sur les forêts du Rouvray et de la Londe. Pages 7-8 

La forêt de Rouvray archéologique Pages 138-146

http://www.bohu.eu/oissel/archéologie/trésor-en-forêt-de-rouvray/