La villa du Grésil

Le site archéologique de la « villa du Grésil » se situe dans la forêt la Londe Rouvray juste derrière les anciennes tribunes du circuit des Essarts pour ceux qui l’ont connu. GPS : 49,3326225 N. 1,0082

                                                                          Carte Lidar avec les reliefs détectés

Ces bâtiments sont très proches de l’ancienne voie romaine principale qui reliait Rouen (Rotamagus) à Caudebec lès Elbeuf (Uggate) sur la route de Paris. Ce secteur faisait partie du territoire des Véliocasses qui étaient les habitants pendant l’époque gallo-romaine. Pendant cette période la forêt était remplacée par des paysages plus ouverts et agricoles exploités par la population locale .

Ce site avait déjà été fouillé par Léon de Vesly en 1903  avec quelques approximations . Il y a eu une fouille plus récente de 2012 à 2016 organisée par J.Spiesser pour une thèse de doctorat.

Une des conclusions de ces fouilles est que le site est sûrement  une ferme gallo-romaine , occupée environ de  0 à 250 ap J.C (date approximative pour éviter de parler de siècle).

Si vous souhaitez avoir une vision globale du résultat de ces fouilles de façon ludique je vous conseille avant de lire le « blabla » plus détaillé ci-dessous d’aller voir la très bonne vidéo ci-dessous :

Apicius et l'antique fromage normand - YouTube

RESULTATS DES FOUILLES :

Dans une première phase , cet habitat se compose d’un bâtiment résidentiel d’au moins  54 m². Son architecture de terre et bois repose sur des sablières basses (poutres), montées sur d’étroits solins en pierres sèches(fondation de pierre). Les matériaux de construction des murs et des toitures  étaient sûrement périssables. Des traces d’une possible forge ont aussi été retrouvées. Son édification est contemporaine à la création de Rotomagus (Rouen ) et Uggate (Caudebec les Elbeuf) .

Cette habitation est partiellement réaménagée dans la seconde moitié du Ier siècle pour atteindre une superficie de 120 m², avec notamment l’ajout d’une pièce au sud-est. Une galerie de façade a été ajoutée . La rénovation a peut-être été rendue nécessaire par l’emploi de matériaux putrescibles (bois, chaume, torchis…) lors de la première construction . Les murs étaient sûrement encore en torchis mais une toiture en tuile était envisageable pour cette période.

                                                                           Bâtiment principal N°2 sûrement une pièce de vie.

On aperçoit sur la photo de gauche (en bas) le décalage des fondations de la rénovation du bâtiment au II° siècle.

 Prolongement du bâtiment  N°2 pièce d’habitation avec des traces de foyers

Pendant ces deux périodes un fossé entourait les 3900 m2 du site.

Il faudra néanmoins attendre vers 150 ap . J-C pour que l’habitat soit en partie maçonné et remblayé et qu’un mur d’enceinte soit érigé autour de l’espace résidentiel  pour en partie remplacer le fossé précèdent . Des traces d’enduit peint sont retrouvées sur et autour des murs de la pièce principale d’habitation N°2 rénovée et située au cœur de l’enclos. Des morceaux de tuiles et de murs maçonnés montrent une construction plus élaborée et plus durable.

 Deux petits bâtiments  supposés de stockage par leur construction et le matériel trouvé (des morceaux d’amphores et de jarres, un mors de cheval…) sont construits aux angles  Nord Est et Sud  Est. 

                                                          Mors de cheval (croquis J.Spiesser d’après radiographie)

 Au bord de ces bâtiments il a été découvert un fossé qui délimitait la partie des constructions se trouvant sur un sol caillouteux qui a été remblayé à cette période  et une étendue de terre limoneuse donc plus riche qui était cultivée. Il y avait donc une activité agricole proche de l’habitat.

                                               Plan de la dernière phase par rapport aux sols environnants (J. Spiesser).

                              Coupe avec fossé de délimitation entre la partie vie et culture (coté silex et  coté terre agricole)

Cette campagne a également permis de retrouver une cave de 7 m² mise en place dans la seconde moitié du Ier siècle à l’extrémité ouest de l’habitation (Bâtiment 2).

 la cave gallo-romaine (J. Spiesser).                             mur sud et de l’escalier de la cave  (J. Spiesser).

Cette structure originale possède en son centre une citerne ou un puisard et son accès se fait par l’extérieur de l’habitation. Il y a été découvert beaucoup de fragments d’enduits peints, uniquement présents dans le niveau de démolition de l’entrée de la cave. Ils proviennent certainement de la décoration murale de l’escalier de la cave. La présence d’une entrée externe à l’habitation et d’un décor peint, amène à supposer que ce lieu n’était pas un espace de stockage quelconque, mais était en relation avec l’activité commerciale de la ferme.

Des gobelets et des cruches ont été retrouvés dans cette cave. Compte tenu de ces éléments et de la présence d’un puisard ou d’une citerne, il est envisageable que cet espace soit lié au stockage et à la consommation de produits fabriqués par l’exploitation agricole.

Plusieurs objets ont été découverts sur le site ; certains habituels comme des clous de construction et de chaussures, des tessons de poteries, des morceaux de tuiles, quelques monnaies….

 Fragments de tuiles

La découverte d’autres objets plus particuliers permettent de mieux comprendre le site :

Un couvercle de boite de sceaux commun en Britannia (ancienne Angleterre). Une fibule assez rare (broche de vêtement )

Un morceau de miroir.

Plusieurs bijoux : Une bague clé ouvrant certainement un petit coffre, une autre bague dédiée à Mercure.

                                              Bague clef (photo J ;Spiesser)

 Un couteau à affuter les calames (roseaux taillés pour écrire).

Tous ces objets semblent montrer que les habitants du lieu sont assez aisés, éduqués et qu’ils ont peut-être des liens commerciaux assez étendus.

 Le site n’est pas particulièrement grand par rapport à d’autres riches villas déjà découvertes dans les environs (voir par exemple la page dédiée à la villa de la Mare du puits:Le site de la Mare du Puits) . L’impossibilité d’accéder à l’eau de la nappe phréatique située à plus de 100m de profondeur a certainement limité la superficie de l’exploitation.

L’organisation du site indique que la partie habitation a été installée sur un sol pauvre avec beaucoup de silex mais proche d’un sol plus limoneux plus fertile. La découverte de plusieurs faisselles de différentes formes qui sont sûrement utilisées pour la confection de fromage montre que le site est sûrement plus une ferme qu’une riche villa romaine.

                                                                Fragment de faisselle en céramique (photo J.Spiesser)

 La présence assez importante d’os de chèvres  ou moutons semblent confirmer cette hypothèse. De nombreux  fragments de vases servant de stockage alimentaire et d’amphores ont aussi été trouvés sur le site. Peut-être que les produits fabriqués avaient une certaine renommée dans la région et ont contribué à la fortune de ces fermiers de l’époque gallo-romaine.

La fin d’occupation du site ne semble pas dépasser le milieu  du III° siècle après J.C . Les difficultés d’approvisionnement de l’eau et la faible quantité de sol fertile a pu précipiter son déclin. Il y a même des traces de récupération volontaire de matériaux.

                                                      Proposition de reconstitution du site par J.Spiesser.

Il est dommage que les fouilles des équipes de J. Spiesser n’est pas été valorisées auprès du « grand publique » car les techniques utilisées (analyse géophysique, étude archéo pédologique, photogrammétrie, études des tuiles, du mobilier métallique ….) montrent que l’archéologie est devenue une science très précise à la pointe des techniques modernes. Une modélisation 3D est, paraît- il, accessible, mais je ne l’ai pas trouvée…

En attendant le site a été remblayé et la nature commence a reprendre ses droits. Comme l’a indiqué un commentaire d’un lecteur il n’y a plus rien de reconnaissable sur place. Même si la protection du patrimoine ne peut pas toujours rivaliser avec certaines priorités économiques, je trouve dommage que l’obtention du label Forêt d’Exception ne puisse pas permettre de trouver les moyens de protéger et vulgariser auprès des promeneurs ce genre de découverte…A moins que se soit un moyen de protection pour les futures générations d’archéologues et leur nouvelles techniques …j’en doute un peu…

Remerciements à J.Spiesser qui lors de la fouille de 2016 a pris du temps pour me faire visiter les fouilles et m’autoriser à prendre quelques photos.

Archives et bibliographie :

Film résultat des fouilles par Jerome Spiesser sur Youtube : Apicius et l’antique fromage normand

Apicius et l'antique fromage normand - YouTube

Bulletin de la société normande d’études préhistoriques 1903 page 131 à 143

Bulletin de la société libre d’émulation du commerce et de l’industrie exercice 1903 Page 117-120.

BSRHN 2014 page 67

BSRHN 2015 page 85

BSRN 2016 page 248.

Compte rendu de fouille 2012 pour la journée archéologique de Haute Normandie Rouen 24-26 Mai 2013 .

Compte rendu de la journée du archéologique de Haute Normandie Alizay 20-22 Juin  2014.

Rapport ADLFI Haute Normandie 2013 Orival-Le Grésil.

Rapport ADLFI Normandie 2014 Orival-Le Grésil.

Rapport ADLFI Normandie 2015 Orival-Le Grésil.

Perspectives d'enregistrement 3D d'une fouille archéologique sur plusieurs années : Le cas de la villa du "Grésil" (Seine-Maritime)

La villa gallo-romaine du « Grésil » (76). Fouille programmée pluriannuelle 2014 – 2016

Rapport intermédiaire 2014. Volume 1 : Texte

Rapport intermédiaire 2014. Volume 2 : Illustrations

Rapport intermédiaire 2015. Volume 1 : Texte

Rapport intermédiaire 2015. Volume 2 : Illustrations et inventaires

Notice –Villa du Grésil 2015

          L’établissement rural antique du Grésil (Orival, Seine-Maritime)

(Une analyse spatiale issue d’un tamisage systématique) : document intéressant mais ardu (pas tout compris ….).

Film au moment des fouilles  sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=GbhhuC8-E8E